La plage, ce « théâtre public de la vie privée”

 

La plage est ce “théâtre public de la vie privée” (J-Didier Urbain, Sur la plage).

C'est un espace mythique, à la fois naturel et codifié,lieu de désir et de loisir, lieu de l’enfance, ludique et nostalgique.

Un territoire aux frontières balisées, toujours à conquérir, où se réfugie, au grand air, un spectacle offert à l’horizon et au regard des autres.

 

Qu'elle soit étendue sur l'Atlantique ou resserrée en Méditerranée, que l'on y cherche la tranquillité de l'isolement ou la convivialité, que l'on veuille fuir la promiscuité ou l'immensité, sur la plage, le voisin reste trop proche ou trop loin.

Ici se joue et se rejoue à chaque instant, à chaque centimètre carré de sable, une guerre de territoire entre espace public et espace privé, légère et nonchalante mais toujours en mouvement

 

La plage est une zone de tension spatiale, où le rapport aux autres évolue entre distance et sensualité.

C'est un terrain de jeu désirable, risqué, complexe, où les mouvements sont à la fois contraints et motivés par les éléments naturels : le sable, le vent, les vagues provoquent une gestuelle spécifique, des « chorégraphies balnéaires ».

C'est un espace scénique à la fois naturel et spectaculaire, sur lequel il suffit de poser un cadre pour mettre en valeur sa théâtralité, qu'elle soit poétique ou burlesque, picturale ou absurde.

 

Nulle part ailleurs qu’à la plage on ne voit s’exposer au regard public autant d’intimité : en bordure de la serviette, les corps dévêtus tout à la fois se montrent et se cachent, exhibant une pudeur cocasse, voire comique.

Mais la quasi-nudité des plagistes en maillot de bain pose comme un voile ambigu sur la véritable intimité, celle qui se situe au delà de la peau...

 

Le spectacle ITSI BITSI explore les frontières de l'intime dans les souvenirs des sensations de la plage, ceux de l'enfance et des vacances, des voyages, des week-end en famille ou des balades en solitaire...de tous ces instantanés de vie qui constituent l'expérience vécue du bord de mer.

 

 

Carnet de voyages

 

La création ITSI BITSI est le fruit d’une recherche chorégraphique qui commence en 2014 sur les bords de l’Atlantique et de la Méditerranée. De leurs voyages, dans leurs poches pleines de sable, elles ont ramené des cartes postales, de celles qui font rêver et nous emmènent ailleurs...

Ces explorations ont fait naître des instants dansés de vie balnéaires tour à tour contemplatifs, loufoques, mouvementés ou incongrus, suivant un scénario déconstruit mais rythmé, que les artistes offrent au milieu des spectateurs.

 

Depuis 2014, en immersion dans ces paysages maritimes, les danseuses de la Cie se sont imprégnées de ses éléments naturels - les vagues, le vent, le sable - qui transforment le corps et la danse, vers une physicalité à la fois brute et organique.

Elles se sont inspirées des gestes rituels «  de circonstances », quasi familiers –propres aux loisirs balnéaires.

 

Elles se sont confrontées à l’immensité du large, à ces décors visuels, sonores, sensuels...dont la puissance esthétique est telle que, face à elle, on se fait parfois tout petit, quasi immobile et silencieux car le spectacle se suffit presque à lui même.

 

Rapidement, elles sont allées à la rencontre des plagistes et des baigneurs, recueillant leurs témoignages, partageant leur espace, leur proposant de devenir spectateurs, et d’orienter leur regard vers un cadre scénique, qui rend visible l’espace de la plage et la théâtralité de son mouvement.

 

De cette expérimentation in vivo est née Les Baigneuses, création in situ pour et avec le public du Festival La Déferlante en mai et juillet 2015.

 

En 2016, la Cie les mobilettes proposent de partager cette expérience, d’ouvrir l’horizon sur ses souvenirs de plages et la transposer sur d’autres rivages, de mer, d’océan, mais aussi de lacs, de rivières...et revient avec une nouvelle création : le projet change de nom et devient ITSI BITSI.

 

 

Notes chorégraphiques balnéaires

 

La plage constitue un terrain de jeux chorégraphiques dont ITSI BITSI témoigne aujourd'hui dans un scénario dynamique et rythmé qui englobe le spectacteur. On y retrouve les axes de travail artistique propre à la compagnie les mobilettes :

 

* un rapport au public « participatif » dans un espace de jeu partagé, où les artistes évoluent parmi les spectateurs, alternant rapprochement et éloignement, multipliant ainsi les points de vue possibles et la perception de l’autre.

 

* le geste quotidien comme prétexte chorégraphique : se dés-habiller, se rhabiller, trouver sa place sur les plages vides ou surpeuplées, s’installer, délimiter son territoire, jouer avec et dans le sable, creuser des trous, faire des château, trouver la bonne pose sur le sable pour bronzer, discuter ou lire...sont autant d'actions et de gestes qui constituent une matière chorégraphique à déformer, transcender et rendre poétique.

 

* la relation à l’environnement : au cœur de l'immensité du rivage, face à l'horizon et la mer, comment ne pas se faire « écraser » par un spectacle en soi d'une beauté et d'une force imposantes ? Il ne s'agit donc pas d'ajouter quelque chose, mais bien de faire avec, avec ce cadre et les éléments naturels.Dans l’eau, comme dans le sable, l’effort pour bouger est visible. Le sol meuble attire le corps, les déplacements sont pesants. Face au vent, le corps résiste pour maintenir sa verticalité ou cède à l’envol. Ces contraintes motivent des mouvements inédits propre à cet environnement spécifique et non transposable sur le plateau ou le bitume.

 

 

Scénographie balnéaire

en collaboration avec Prêle Barthod, costumière

 

Le public évolue au sein d’un espace-plage délimité, un espace poétique, à la fois familier et transformé. Anarchique et cohérente à la fois, cette plage se veut un cliché de toutes les plages sans ressembler à aucune. Les costumes et les décors, sont à l’image de cette plage atemporelle, hors mode.

Les baigneurs, danseuses et public confondus, sont installés sur des transats et des nattes, à l’abri de parasols, disséminés ici et là - agencés de façon plus picturale qu’utilitaire.

Un “régisseur des plages” évolue dans cet espace, personnage discret mais toujours en action au second plan du paysage. Maladroit et incongru comme peut l’être Mr Hulot, il accueille le public, les installe puis se met subtilement au service des baigneurs, public et artistes confondus.

Pour la conception des décors et des costumes, la compagnie les mobilettes collabore avec la costumière Prêle Barthod.

 

 

Paysage sonore, la bande-son d'ITSI BITSI

 

Décor sonore, en collaboration avec Michel Risse – La Fabrique Sonore

La plage offre un paysage sonore naturel en soi musical : bruits de vagues, souffle du vent, cliquetis des mâts de bateau...Que peut-on dire “de plus” ?

L'univers sonore de la plage c'est aussi les tubes de l'été à la radio et les films de vacances, les phrases rituels de circonstances (« Elle est bonne, le tout c'est d'y rentrer ! » ), les annonces du poste de secours et les cris d'enfants, toutes ses « mélodies estivales » qui font partie d'une culture musicale commune.

Pour composer une bande-son adéquat, faite de vagues musicales et de courants sonores, la compagnie les mobilettes s’associe, comme dans sa précédente création, au compositeur Michel Risse (directeur de la compagnie Décor Sonore) qui accompagne la création tout au long du processus, depuis les conseils en diffusion sonore jusqu’à la composition musicale finale.

 

Radio Baigneuses, en collaboration avec Léa Grange

La plage est un lieu nostalgique, l’évoquer ouvre les portes des souvenirs d’enfance et des vacances en famille.

La compagnie les mobilettes a travaillé avec Léa Grange, créatrice radiophonique, spécialisée dans le recueil de paroles, afin de réaliser des témoignages sur la perception et l’expérience de la plage :

Quel est mon premier souvenir de plage ? Un son ? Une image ? Une odeur ? Une chanson ? Ce que j’aime, ce que je n’aime pas à la plage ? Ce que j’y fais ?

Lors de la création, ces témoignages ont inspiré l’écriture chorégraphique et font aujourd'hui partie intégrante de la bande-son.